A la moustache

"Messieurs, Dames, pardonnez-moi mais moi je porte la moustache".
Il est assis sur son strapontin minuscule, vise l'extérieur gris et agité du sous-sol, coincé par son épaule; il cogne par à coups contre la vitre...
Il n'est pas confortable du tout, mais avec ses jambes, il tente de nous mentir.
Il arbore un croisement olympique, la mine indifférente.
En plus il est grand. Et tout le monde sait qu'alors, on est vite agaçé par ce creux où s'enfonce la petite vitre. On voudrait s'engouffrer mais son cadre rigide nous retient. Et c'est le milieu de la tête, la tempe, qui frappe à ce moment-même où l'on se tord le cou.

Mais, Môssieur porte la moustache.
Le plus fort c'est qu'il doit avoir 20 ans. Alors, il fait crier ses poils de devant, il les exhibe avec outrance, il perçoit et contrôle chacun de leur mouvement. Maître moustache et son disciple vont enseigner au monde ce que c'est et rira bien celui qui osera s'y risquer.

Ils ne se rendent pas compte du travail que c'est. Elle n'est pas seulement touffue, elle est en plus vacillante, plus légère sur ma droite. Elle maintient la douceur de mon menton fragile et alourdit la fermeture naturelle de ma mâchoire.
C'est une ponctuation sur mon visage en réflexion, une pause nécessaire.
Elle agite des portraits célèbres et craints de l'Histoire et renvoit à l'audace, à la puissance de l'homme. C'est une trouée fertile de ma virilité, sur l'autoroute absurde de l'imberbe.

Il y a une leçon à tirer de chaque moustache. Mais, observez bien la mienne. Sur moi, il a comme une évidence. J'ai assorti adroitement l'ensemble de mon vêtement, avec ces couleurs sombres passées, pour ne pas tomber dans un noir trop neuf. J'ai aussi laissé cette longueur chaleureuse et sauvage à ma chevelure; mes cheveux sont épais. L'effet est surprenant. Il y a une nette autorité qui se dégage maintenant. Ce serait bête de la gâcher par un sourire ou une pause trop naturelle. Je fixe alentours, il y en a bien un qui observera la ressemblance...