Avec ou sans mallette?

Publié le par bituic

On est serré, bien comme il faut, avec un aperçu qui s'élève sur une seule surface. On ne peut plus regarder ses pieds, ni ses jambes, ni même au-dessous de ses épaules: une vision de la tête, commune à tous.

Pour respirer ou pour s'étendre alors, les regards s'agrippent au plafond, à cet espace qui semble si réduit tout à coup. Les grands en souffrent, les petits se sentent plus larges. Mais on craint chaque mouvement, et les montées et descentes viennent chaque fois menacer l'équilibre qu'on s'invente. Chose surprenante c'est que dans cette possibilité de folie générale, les esprits sont raisonnables; pas de clameurs, pas encore.

C'est là que quelqu'un s'agite. Lui, il est à la place assise privilège. Il se lève à la fin d'un arrêt qui sonne. Il n'a pas du tout l'intention de sortir, mais il s'active sur place car il se met à chercher quelque chose. Et puis, il panique. Il dérange ses voisins à plusieurs reprises se penchant pour regarder sous leurs sièges. Se rassoit, se relève et demande à l'ensemble de la rame:

"Vous n'auriez pas vu une mallette ?"

Imaginez la scène, Monsieur est debout devant sa place assise et il arrangue la foule comme si il en était devenu le propriétaire. 

"Pardonnez-moi Madame, Monsieur, je voudrais passer... Je cherche ma mallette! Elle doit être ici quelque part..."

Maintenant, il est à quatre pattes, il a plongé vers le sol impénétrable. Il fouille à tâtons l'invisible car il ne peut rien voir. L'amas de gens doit lui entrer dans le nez, la bouche et les oreilles. Mais, il a pu modeler un passage impossible, dans une dimension exceptionnelle. Peu avant, ceux de la verticale commençaient  à se hisser vers le plafond, pieds en pointe. Lui, il est venu arracher toutes ces jeunes pousses, et maintenant les êtres se déplaçent en danse, sur la commande d'un quadrupède hagard. C'est beau mais c'est flippant. Le vieux craque vraiment.

Nous, on observe la scène du bon côté, celui on l'on peut s'enraciner presque tranquille. On peut voir de temps en temps ce quinquagénaire se relever, un peu plus loin et toujours demander à son nouveau voisin:

"Etes-vous certain Monsieur qu'il n'y avait pas là, une mallette?" 

Peureux de se lancer dans une composante existentielle celui-là la ferme, raisonnablement. Mais ça ne le calme pas. Monsieur a vraiment perdu quelque chose ou il est en train de la perdre. Alors, il va falloir que tout le monde se colle jusqu'à ce qu'il la trouve pas.

Ca y est il a croisé le visage vraiment inquiet d'une plus vieille. Elle lui a dit:

"Mais voyons Monsieur, je ne vois pas où vous auriez pu la mettre votre mallette!"

On s'approche d'une réalité plus tangible. Et puis elle était laide à avoir peur, ça a dû lui faire un choc. Alors la station suivante, il comprend et il sort.

Le pauvre, ça devait être la première fois qu'il devenait fou publiquement... mais ils auraient quand même pu la lui rendre!


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M
<br /> <br /> Tu écris vraiment bien ! J'étais pas venu sur ton blog depuis un bail mais je suis pas déçu du passage. A+<br /> <br /> <br /> PS : dis-moi ce que tu penses du mien http://coree0410.blogspot.com<br /> <br /> <br /> <br />
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